ÉCOPARENTALITÉ ÉCOFÉMINITÉ ÉCOLOGIE

 
 

Mes articles publiés dans Grandir Autrement : le magazine de l'écoparentalité

Le renouveau de la pensée éducative : "Écoparentalité"

**« Écoparentalité » in *Grandir Autrement n°81 Le renouveau de la pensée éducative*, mars 2020**

L’écoparentalité est un concept empirique qui permet de montrer la logique et la cohérence qui sous-tendent diverses pratiques parentales en apparence hétérogènes. Cette cohérence est liée à la qualité écologique des liens familiaux que ces pratiques parentales permettent d’instaurer. Toutefois, il n’est pas question de prescrire des pratiques, de dire ce qui est bien ou mal en soi, mais de montrer en quoi une pratique est plus, moins ou pas du tout écologique. Je vais tâcher dans cet article de définir comment cette notion d’écoparentalité a été formée.

Daliborka Milovanovic#1#, ancienne directrice de publication de *Grandir Autrement*, inspirée par la notion d’allaitement écologique qu’elle avait rencontrée au sein de La Leche League#2#, a appliqué la notion d’écologie à divers comportements de soins prodigués aux enfants, habituellement par les parents, et aux interactions humaines, et a identifié des comportements présentant certains traits communs qu’elle a qualifiés d’écologiques. Elle a ainsi d’abord parlé de parentalité écologique, comme je le faisais moi-même en parallèle, avant d’adopter dans ses écrits, conférences ou ateliers, le terme d’écoparentalité, dont la première occurrence date de 2015, pour caractériser une certaine qualité du lien familial et pas seulement un ensemble discontinu de comportements. Elle explicitait sur le ton de la plaisanterie le fait que l’écoparentalité ne consistait pas à trier ses déchets en famille (ou pas uniquement peut-être) et avait un sens bien plus large. Elle voyait une évidence dans le fait que certains envisageant différentes pratiques puériculturelles et parentales comme un *package* avaient en fait une cohérence. Le terme apparaît la première fois dans une publication de *Grandir Autrement* en septembre 2016, numéro 60 anniversaire, dans lequel Daliborka et moi-même avions d’ailleurs écrit un article à deux mains intitulé : « Le magazine des parents nature ? ». Cette signature de marque, qui avait été celle de *Grandir Autrement* depuis ses débuts, semblait ne plus convenir pour différentes raisons et l’équipe du magazine en a cherché une nouvelle. C’est dans ce cadre que Daliborka a proposé que *Grandir Autrement* devienne « Le magazine de l’écoparentalité », ce qui a été approuvé et adopté dès le numéro 66 de septembre 2017. Daliborka et moi-même nous sommes retrouvées pour tâcher de mettre au jour ces liens écologiques et donc, précisément, de déterminer ce qui relèverait d’une parentalité écologique, une écoparentalité, travail que nous continuons également par le biais de notre maison d’édition, Le Hêtre Myriadis, dont un des sujets de prédilection est celui des relations familiales écologiques.

Cette mise en évidence *a posteriori*, à partir de ce qui est, de la qualité de l’écologique dans le lien sont les raisons pour lesquelles l’écoparentalité ne peut être qualifiée de prescriptive, c’est-à-dire ne cherche pas à prescrire ce qu’il faudrait faire ou non avec ses enfants, ce qui nous semble être l’écueil de la caractérisation de parentalité positive ou bienveillante, qui, clairement, indique un *meilleur* à atteindre. L’écoparentalité est définie par des critères liés à l’écologie. En fonction de votre point de vue sur l’écologie, sur la pertinence de la perspective écologique sur les relations humaines, vous pourrez juger si ce genre de parentalité est bonne ou non, pour vous, pour vos enfants, pour la société, ou encore pour notre écosystème.

Vous avez dit écologie ?

L’écologie, en tant que science, est l’étude des liens entre des êtres hétérogènes. L’écologie montre que les liens entre ces divers êtres, tous singuliers, permettent la résilience et la soutenabilité d’un écosystème. Dès lors qu’on détruit des espèces, au sens large du terme, on appauvrit la force de l’écosystème. Par conséquent, prendre soin des êtres, quels qu’ils soient, et prendre soin des relations entre ces êtres pourrait être pensé comme étant écologique. De plus, bien que l’humain se soit longtemps considéré comme « *maître et possesseur de la Nature* », *dixit* Descartes, en se positionnant comme extérieur à celle-ci, la réalité est tout autre. En effet, l’humain fait bel et bien partie de l’écosystème, ce que ne cessent de nous rappeler les différents mouvements liés à la permaculture. Je me souviendrai toujours de la porte qu’a ouverte une de mes professeurs de philosophie en énonçant cette simple phrase : « *Si vous en doutez, arrêtez de respirer.* »

Selon ces postulats, l’écologie au sens militant du terme ne pourrait donc pas prendre uniquement soin de l’environnement ou de la « Nature », sans prendre également soin de tous les êtres, humains compris, ainsi que d’eux-mêmes. En bref, être « écolo » consisterait donc à prendre soin des êtres en tant qu’ils sont singuliers, ainsi que des relations, de toutes les relations, parents-enfants comprises. L’écoparentalité serait donc une parentalité qui vise à considérer les enfants comme toujours particuliers, en faisant valoir chaque singularité, sans chercher à les faire entrer dans un moule sociétal visant à effacer tant que possible les différences en les formatant selon un modèle.

D’autre part, il semble que les pratiques écoparentales s’appuient, parfois malgré les parents, sur une éco-logique ou s’en inspirent : une logique du vivant, non linéaire, probablement même pas arborescente, mais plutôt rhizomatique#3#. Vous connaissez les rhizomes ? Leur structure ? Pensez à une sorte de toile où tout point pourrait rejoindre tout autre, en passant par n’importe quel chemin qu’il soit direct, en ligne droite, sinueux, ou faisant un énorme détour.

Des relations écologiques

De plus, la logique du vivant est économe. Pas économe en matière d’argent, évidemment – l’argent est une construction sociale, mais en matière d’économie d’énergie : la « Nature » est économe. Les pratiques écoparentales visent donc à diminuer voire ôter tous les médiateurs venant séparer les êtres et les corps, et dans l’espace, et dans le temps. Elles privilégient l’immédiateté et la continuité contre la distance et la rupture. Par exemple, l’allaitement permet d’alimenter son enfant directement à la source tout en permettant à la mère de bénéficier des hormones qui l’apaisent et lui facilitent l’accompagnement du rythme de son bébé. Le peau-à-peau et le portage permettent au bébé de répondre à ses besoins de contact, de chaleur et de mouvement, que les objets médiateurs poussette ou transat ne permettent pas. L’instruction en famille, notamment dans sa version *unschooling*, se révèle#4# être la continuité du maternage proximal. La vie familiale n’y est pas interrompue par les divers temps de séparation, crèche, école, travail, etc.

Daliborka Milovanovic, dans une conférence au salon Primevère à Lyon, en mars 2019, ajoute qu’une relation écologique serait une relation où deux êtres hétérospécifiques tirent profit de la relation. Donc, dans des relations familiales écologiques, non seulement le bébé, l’enfant ou l’adolescent, mais également le parent, trouveront des bénéfices à une relation écologique. Des relations familiales écologiques tendent donc à répondre aux besoins de toutes les parties d’une relation#5#.

Pour aller plus loin

Pour explorer plus en profondeur ce concept, vous pourrez bientôt lire "Écoparentalité, Des relations familiales écologiques", un livre, écrit à deux mains, qui paraîtra prochainement aux Éditions Le Hêtre Myriadis.

1 – Voir son site *Le Gai Savoir* : philosophie, éducation, écologie.

2 – L’allaitement écologique s’oppose à l’allaitement culturel en ce qu’il répond aux besoins et rythmes physiologiques du bébé et de la mère tandis que l’autre se conforme à une norme sociale.

3 – Voir mon livre "Apprendre par soi-même, avec les autres, dans le monde, L’expérience du *unschooling*", Éditions *Le Hêtre Myriadis* (2017).

4 – Selon le point de vue de nombreuses personnes que j’ai pu interviewer à l’occasion de mon travail de thèse sur la parentalité dans les familles « non-sco » en *unschooling*.

5 – Conférence "Qu'est-ce que l'écoparentalité ?" par Daliborka Milovanovic